Ils sont nombreux les villages de Provence sur le territoire desquels les oratoires sont légion, la palme revenant vraisemblablement à Orgon dans la montée entre le village et Notre-Dame-de-Beauregard. Fuveau, lui, ne compte qu’un seul de ces édicules anciens, les croix de missions ou autre niches ne pouvant être définies comme tels. Il est encore visible et parfaitement entretenu sur le Chemin d’Aix à deux cents mètres environ du cimetière. Par contre, son origine nous est parfaitement connue et ce détail d’histoire locale rehausse l’intérêt de ce monument, inscrit au patrimoine fuvelain. Petite précision, il existe au bord de l’Arc au niveau de Favary un deuxième oratoire celui-ci dédié à saint Mitre, il est en limite des communes de Fuveau et Rousset mais réellement sur Rousset. Le notre donc est dédié à saint Jean de Mélissane.
Auguste Honorat (dcd 04/10/2006) en a bien étudié les détails et raconté l’histoire qu’il a juste un peu romancée comme à son habitude mais si ce n’était pas le cas, celle-ci perdrait vite sa saveur.


L’histoire de l’oratoire
Voici comment en septembre 2000, Auguste Honorat a analysé et à peine romancé l’histoire de l’oratoire Saint-Jean-de-Mélissane après de minutieuses recherches sur une quantité importante d’archives paroissiales, municipales et familiales.
CYPRIEN FOUQUE (1702 – 1782)
ou l’histoire de l’ex-voto du Pin de Luquet à Fuveau.
Celui qui emprunte l’ancienne route d’Aix à partie de la croix des Missions lorsque on quitte le CD56E, va trouver sur sa droite à deux cents mètres environ un oratoire dédié à saint Jean de Mélissane dit saint Jean le Moissonneur et immédiatement après il verra le chemin qui vient des Escassades. C’est à ce carrefour qu’en 1779 se déroulèrent les faits qui aboutirent à la construction de cet édifice. C’est cette histoire que nous avons reconstituée pour vous la conter.
Pour bien se mettre dans l’ambiance de cet évènement, il est indispensable de connaître le constructeur de l’ouvrage : Cyprien Fouque né le 18 octobre 1702 ainsi que d’avoir un aperçu de la famille dont il est issu. Famille profondément chrétienne car lors de leur décès, les Fouque reçoivent toujours les sacrements, plusieurs d’entre eux furent membres des Pénitents Blancs. Dans l’ancien régime, ils apparaissent comme conseillers et auditeurs aux comptes de la communauté malgré leur illettrisme. La famille aura son époque, au dix-huitième siècle, même un huissier royal. Lors de la confection du cadastre de 1777 qui va recenser la fortune des habitants de Fuveau, plusieurs Fouque vont figurer.
LE MIRACLE DU PIN DE LUQUET
Le 23 juin 1779, le vieux Cyprien Fouque qui a 77 ans s’est réveillé bien avant l’aube et en cette veille de Saint-Jean il songe aux onze enfants issus de ses deux mariages. Madeleine ESTIENNE, lui a donné 10 enfants dont aucun n’a survécu a ce jour, seul lui reste le dernier de ses fils, le « caganis », Jacques, issu de son second mariage avec Gabrielle FABRE, de Gardanne. Ses filles Maire et Françoise lui avaient auparavant donné cinq petits-enfants dont seule reste en 1779 Marie BOURRELLY née le 9 décembre 1761, fille de Françoise. En 1779, la famille Fouque se compose donc de Cyprien, Gabrielle Fabre, Jacques Fouque et Marie Bourrelly qui à 17 ans.
Le vieux Fouque s’est levé et comme à l’accoutumée, après avoir passé sa grosse chemise et son pantalon s’est ceint les reins de la taillole. Il a enfilé ses grosses chaussures, a mis par dessus des bottes de cuir qui protègent le coup de pied , il a soufflé les braises pour ranimer le feu et a mis à réchauffer un reste de soupe de la veille puis il a réveillé son fils. Il pense que demain c’est la grande fête de Saint-Jean, sa petite fille qui réside à Gardanne est venue à Fuveau pour aider son grand-père et participer à la fête.
Jacques s’est levé et a avalé une bonne assiette de soupe avec son père avant de partir. Les voilà qui descendent l’escalier et dans le couloir le long de l’étable ils prennent leur grand chapeau de feutre à larges bords. Celui de Cyprien n’a plus de couleur mais il ne saurait aller aux champs sans lui.
En longeant la rue de Nice pour sortir du village par la porte du même nom, ils devisent du travail qu’ils vont accomplir ce jour pour avancer leur moisson. La saison a été propice, le vieil adage n’a pas menti « Au mes de jun s’en fa qu’aucun ». Le vieux Fouque et son fils ont moissonné les orges et un peu de froment pendant que Gabrielle et Marie formaient les javelles ensuite ils ont foulé les gerbes au fléau et aujourd’hui ils vont vanner sur l’aire du Pin de Luquet car Cyprien a préparé les vans, ces paniers à deux anses qui servent à nettoyer le grain battu.
Pendant ce temps, à Fuveau, l’épouse de Cyprien qui a 59 ans vaque au tâches ordinaires du ménage et réveille sa petite-fille Marie. Elles se reposent un peu des efforts de la moisson. Même le mulet qui n’est pas parti avec les hommes ne s’est pas levé de grand matin, il a été laissé à la disposition des femmes pour aller chercher de l’eau à la restanque de Font d’Esprat car l’eau est rare au village.
Les heures passent, la maîtresse de maison s’est mise aux fourneaux pour préparer une soupe de fèves bien épaisse avec un morceau de lard, un peu rance ainsi qu’une omelette d’oignons le tout accompagné du pain cuit voici deux jours au four communal sans oublier deux bouteilles de vin.
L’horloge de l’église ayant sonné la onzième heure, Gabrielle demande à sa petite-fille de préparer le mulet et de lui mettre un petit « eissari » pour porter le repas aux hommes.
Voici donc Marie qui s’en va, sortant du village par la porte de Nice, rejoignant la route royale d’Aix à Toulon qui longe le village au Nord, traversant le ravin sur le vieux pont médiéval et commençant à monter vers la grande carraire qu’elle traverse en continuant sa route vers le Pin de Luquet distant d’environ 600 mètres.
Du chemin du quartier des Escassades qui va rejoindre la grande route d’Aix, descend un mulet bâté que son propriétaire accompagne nonchalamment perdu dans ses pensées. Il fait chaud, la demie de onze heures est déjà bien passée, soudain le mulet de Mesté Poulacre énervé par les taons entame un petit trot quelques dizaines de mètres avant le carrefour malgré les cris et vociférations de son maître qui ne peut le retenir.
Le mulet s’engage sur la route alors qu’arrive Marie juchée sur son animal et qui révasse, bercée par le balancement de sa monture. Que s’est-il passé dans la tête de cette bête ? Nous ne la saurons jamais mais ce qu’il advint, c’est qu’elle se jeta sur son congénère la bouche ouverte et les sabots en avant, Marie fut désarçonnée et tomba entre les pattes des mulets qui continuaient à se cabrer en échangeant des coups de pieds.
Mesté Poulacre qui était arrivé sur les lieux continuait à vociférer et avec sa canne tentait de séparer les antagonistes. Le combat dura longtemps et la pauvre Marie, recroquevillée, les mains sur la tête gisait toujours au milieu de leurs pattes, recommandant son âme à Dieu et invoquant le grand saint Jean pour qu’il la sauve du danger pensant aussi à son promis et à son mariage prévu dans quelques mois.
Après un dernier soubresaut, la lutta s’acheva. Les bâts des animaux jonchaient le lieu de la bataille, la soupe de fèves, l’omelette, le pain et les bouteilles, tout était à même le sol dans la poussière du chemin. Enfin mesté Poulacre put porter secours à la jeune fille et la remettre sur ses jambes car il la croyait morte ou grièvement blessée. Celle-ci, après avoir remis de l’ordre dans ses vêtements commença en tremblant à articuler quelques mots : « Je crois que je vais bien, je n’ai rien de cassé pourtant j’ai senti plusieurs fois que les sabots me piétinaient ». Mesté Poulacre la regardait ahuri « Mais c’est une chose impossible ce que tu me dis, j’ai bien vu ce qui s’est passé, je te croyais morte ! » disait-il en s’épongeant le front « Oui mais pendant ce temps je priais Dieu et j’invoquais le grand saint Jean des Moissons » « Tu as été entendue et exaucée ». Alors il se découvrit et ensemble avec Marie ils s’agenouillèrent et s’étant signés, ils remercièrent Dieu et le grand Saint Jean de Mélissane du prodige qui venait de se produire.
Les animaux calmés attendaient la suite des événements alors mesté Poulacre refit le bât qui était tout désarticulé quant à Marie, elle essaya de sauver ce qui pouvait l’être du repas de son grand-père et de Jacques. Ce jour là, le vieux Cyprien se contentat du pain, de l’omelette et et l’eau. Lorsque Marie eut narré les faits, Cyprien se découvrit, se mit à genoux et à haute voix, promit à Dieu et au saint d’élever un oratoire en ex-voto sur le lieu du prodige.